Après l’interview accordée à RFI par Thierry Mouyouma, l’actuel sélectionneur du Gabon, Patrice Neveu, son prédécesseur, a tenu à réagir tellement il s’est senti visé. Notamment lorsque son successeur évoque le besoin d’un retour de la discipline et du patriotisme au sein de l’effectif.
RFI : Patrice Neveu, vous avez souhaité réagir suite à l’interview de Thierry Mouyouma publiée sur RFI jeudi 4 avril, notamment en raison de ses propos sur sa volonté de réinstaurer du patriotisme et de la discipline dans le groupe.
Patrice Neveu : Dans la mesure où le sélectionneur du Gabon utilise RFI pour faire passer ce type de choses, je dis non. C’est lamentable. Avant de quitter la sélection, je n’avais rien contre ce monsieur. Il est venu dans mon bureau, je lui ai donné ma clé et je lui ai dit : »Mouyouma, tu as été dire qu’on prenait trop de buts et qu’on ne savait pas en mettre, attention, ne travaille pas comme ça parce que tu ne peux pas m’apprendre à moi ». Moi, je suis BEPF (plus haut niveau de diplôme d’entraîneur de football en France, NDLR), lui, il a son diplôme, qu’il fasse son travail. Il me répond : « Oui, excusez-moi coach, c’est le service de presse de la Fédération qui a mal interprété mes propos« . À ce moment-là, il me dit que je suis un entraineur emblématique et qu’il veut faire une photo avec moi.
Depuis que je suis parti, je n’ai pas fait une déclaration dans la presse (Patrice Neveu s’est exprimé dans plusieurs titres de la presse locale française, NDLR). Mais aujourd’hui, ce n’est pas possible de faire enterrer un sélectionneur comme moi gratuitement par un petit monsieur comme ça.
Pourtant, il ne vous cite pas nommément dans l’interview.
Dans une sélection, qui est responsable de la discipline ? Le sélectionneur ! Donc sans citer mon nom, il me nomme, et moi, je réponds, je ne peux pas laisser faire ça. Je suis sélectionneur, j’ai fait cinq sélections. Je suis un entraîneur passionné et investi. On sait qu’il y a des situations difficiles, je suis parti, j’ai dû quitter et je sais dans quelles conditions. Quand je suis parti, j’ai assumé, mais là, c’est trop. Ce monsieur ment et se cire tout seul ses chaussures.
C’est-à-dire ?
Quand il dit : « Nous avons besoin de restructurer l’entité à tous les niveaux. De l’état d’esprit, de la discipline, du patriotisme, du mental… « . Mais c’est une plaisanterie ! Mes joueurs étaient des patriotes, vous-même à RFI, vous savez que des joueurs ont dormi au sol avant des matches. Moi-même, j’ai dormi par terre pour aller jouer des matches, et on les a assurés et on s’est qualifiés pour la CAN quand même ! Même si on a couché au sol en Gambie (Les autorités gambiennes avaient bloqué la sélection toute une nuit à l’aéroport, invoquant une absence de tests Covid valides, la veille d’un match des éliminatoires de la CAN 2021, NDLR). Et ce ne sont pas des patriotes mes joueurs ?
Quand on a été jouer au Congo (RDC) et que l’avion allait s’écraser et on s’est arrêtés en Espagne, les joueurs sont allés jouer à 13 ou 14, ce ne sont pas des patriotes ça ? (Patrice Neveu fait référence à une avarie technique qui a forcé leur appareil à atterrir à Barcelone en urgence lors d’un voyage entre la France et la RDC pour aller jouer un match de qualification pour la CAN au Cameroun remporté 1-0, NDLR).
Quand il dit qu’il est arrivé dans une sélection délabrée, c’est faux !
Et sur la question de la discipline ?
Mais de quelle indiscipline il parle ? Est-ce la faute du sélectionneur si on dort par terre en Gambie ? Si les avions ne partent pas à l’heure ?
M. Mouyouma évoquait peut-être plutôt certains dossiers, comme les cas de Pierre-Emerick Aubameyang ou Mario Lemina que vous avez exclu de la sélection lors de la CAN 2022.
Lui, quand il dit « On sait tous pourquoi Aubameyang n’est pas venu au premier rendez-vous‘… Non, on ne sait pas ! Il a pris Guélor Kanga, il l’a viré, on ne sait pas quelle décision il a pris derrière. Aaron Boupendza ne vient plus en équipe nationale, on ne sait pas pourquoi. Didier Ndong ne vient plus, on ne sait pas pourquoi.
Moi, je gérais ça en interne pour faire des résultats et on a fait des résultats, nous sommes allés à la CAN. Quand il dit qu’il est arrivé dans une sélection délabrée, c’est faux ! Vous verrez, les joueurs qui vont jouer contre la Côte d’Ivoire, ce sont 80, voire 90% des joueurs de mes joueurs que j’ai fait venir en sélection. Les joueurs que j’avais sous ma coupe étaient des patriotes, motivés et disciplinés à leur niveau. Après les cas précis d’indiscipline, c’est autre chose.
Quels cas d’indiscipline évoquez-vous ?
Quand j’étais à la tête de la sélection, quand j’écartais untel, on me demandait pourquoi. Pourquoi vous faites ci, pourquoi vous faites ça… Lui, il a déroulé son truc, il utilise des termes comme « indiscipline »‘, etc. mais il ne dit rien derrière, c’est trop facile ! Moi, je n’ai jamais géré d’équipe indisciplinée. Mes joueurs ont été tous combattifs et fait des résultats contre des grandes équipes.
Vous considérez que la couverture médiatique que vous avez eue à la tête de la sélection est différente de celle de M. Mouyouma ?
Non, pas du tout. Il a plus de problèmes que moi, car il a moins d’échanges que moi avec les joueurs. Il fait comme un militaire, il les prend et bam, il les jette. Et après, il fait quoi ? Il les rappelle, il discute avec le gars ?
En Afrique, on descend dans des hôtels avec 300/400 chambres. Est-ce que vous pensez que le sélectionneur national est capable de contrôler toutes les entrées de l’hôtel.
Où voulez-vous en venir ?
Quand j’ai pris mes fonctions, je me considérais comme un Gabonais et ma mission était forte. Que je sache, à la CAN, le peuple s’est levé pour applaudir les joueurs, on a redonné une identité au pays à la CAN au Cameroun ! Les problèmes de discipline, je les ai gérés avec clarté.
La dernière fois, M. Mouyouma a pris Guélor Kanga et l’a viré (le joueur avait fait venir son frère et sa belle-sœur à l’hôtel où logeait sa sélection selon un communiqué de la Féderation, NDLR). Mais est-ce que la prochaine fois, il sera en mesure, dans un hôtel dans lequel il va aller, de tout surveiller ? Donc il aura des choses qu’il cachera et qu’il ne dira pas et il fera avec.
Je n’ai pas de commentaire à faire par rapport à mon départ
Est-ce que vous estimez injuste le fait de ne pas avoir été reconduit à la tête de la sélection gabonaise ?
Même si je n’ai pas qualifié l’équipe à la dernière CAN, j’ai quand même relevé le Gabon. Quand je suis arrivé, mes collègues Daniel Cousin et José Antonio Camacho (ses prédécesseurs, NDLR) avaient fait ce qu’ils pouvaient. Quand je suis arrivé, Boupendza était écarté, Guélor Kanga était écarté, Aubameyang était parti… Je n’ai fait que faire mon travail pour redonner une discipline à l’équipe.
Dans les éliminatoires de la CAN, à trois matches de la fin, on avait 7 points. Il nous restait le Soudan, le RD Congo et la Mauritanie à jouer, il nous fallait 10 points pour passer. Mais on arrivait sur une période où, au pays, c’était très compliqué politiquement (coup d’État militaire fin août, NDLR). Ce qui a eu des retentissements sur le fonctionnement de l’équipe.
J’avais commencé un travail, la restructuration de l’équipe. J’ai quitté, j’ai fait quatre ans et j’estime avoir fait un certain travail. Après, c’est la loi du métier. C’est comme ça, je n’ai pas de commentaire à faire par rapport à mon départ, c’est une décision. C’est une décision qui appartient aux autorités, libre à elles, on verra les conséquences derrière. Aujourd’hui, je leur souhaite de se qualifier pour la Coupe du monde.
Êtes-vous actuellement à la recherche d’un nouveau challenge ?
Il est évident que j’ai encore envie de travailler dans le football. Est-ce que ce sera en Afrique, ailleurs, à quel poste, comment ? J’étudie certaines pistes. J’en ai déjà quelques-unes.
rfi